LES VACANCES DE LA FEE GERTRUDE

A la naissance de la princesse Frisette, la fée Gertrude, sa marraine, lui donna la beauté, l'intelligence et un baiser.
A ses dix-huit ans, elle la maria à un prince gentil et bien élevé.
Ensemble ils eurent beaucoup d'enfants et décidèrent de vivre longtemps, très heureux.
Maintenant Gertrude pouvait souffler un peu. Elle allait prendre des vacances.


Quand l'été arriva, Gertrude remplaça sa tunique étoilée par une robe fleurie et son chapeau pointu par un chapeau de paille. Dans son sac, à côté de l'ambre solaire, elle rangea une mini-baguette magique puis s'en alla au bord de la mer.
Arrivée à la plage, ravie d’avoir déserté les chambres glacées du château, Gertrude s’allongea avec volupté sur le sable chaud.
Elle commençait à s’endormir quand un ballon atterrit sur son nez.


D’un bond elle se leva pour protester et se retrouva coiffé d’un parasol sur qui le vent avait soufflé.

« Bon, dis Gertrude, la mer est belle, le ciel est bleu, le soleil brille. Pas la peine de se fâcher pour un malheureux ballon et un parasol. Allons nous baigner. »
A peine avait-elle mis un pied dans l’eau qu’un crabe, qu’elle avait dérangé en plein sommeil, lui pinça les orteils pour se venger. Gertrude renonça à nager.
Une glace double fraise-chocolat saurait bien lui faire oublier ses malheurs. Mais un petit garçon farceur, en passant, la bouscula. La glace alla s’écraser dans le dos d’une dame qui se mit à hurler.
C’en était trop !
A bout de patience, Gertrude loua un pédalo et partit loin sur la mer. Les flots étaient déserts. Le nez au vent, notre bonne fée pédalait tranquillement, et elle s'endormit tout en pédalant. Son pédalo dériva vers le large.
Au détour d'une vague, il tomba sur un paquebot qui refusa de céder le passage.


«Toot !» fit-il sans s'arrêter
Réveillée en sursaut, Gertrude n'eut que le temps de plonger. Le pédalo accidenté coula à pic. Sa passagère fit donc naufrage en pleine mer et sans baguette magique. Il ne lui restait plus qu'à rentrer à la nage.
Malgré son courage, au bout de quelques brasses elle s'arrêta, épuisée.
«Adieu, Frisette, murmura-t-elle, je vais couler.»
Soudain, miracle, elle eut pied ! Si elle pouvait marcher, c'est que la terre n'était pas loin.
Erreur.
Gertrude était debout sur un sous marin. Décidée à faire avec lui un bout de chemin, elle s'accrocha au périscope. Or, le sous-marin plongea sans prévenir et Gertrude crut qu'elle allait mourir. D'ailleurs, ça y est, elle montait au ciel. Pour savoir à quoi ressemblait le paradis des fées, elle regarda autour d'elle et ne vit que des poissons qui frétillaient. Elle n'était pas au paradis mais "dans un filet. Des pêcheurs le tiraient hors de l'eau pour le vider dans leur bateau.


A cause de Gertrude, qui n’était pas légère, le filet se perça et tous les prisonniers retombèrent à la mer.
Emportée par le courant, Gertrude se heurta à une paire de skis qu’elle prit pour un radeau. A bout de forces, elle s’y accrocha. Mais sur les skis se tenait un homme tiré par un bateau.
Quand celui-ci accéléra en faisant vrombir son moteur, il emporta non seulement le skieur mais aussi Gertrude, la bonne fée qui, au premier virage, fut éjectée.
Elle atterrit sur un matelas pneumatique abandonné qu’une grosse vague poussa vers le rivage. Enfin, Gertrude arriva à bon port sur sa serviette..


Mais sur la plage il y avait un jeune chien fou qui creusait des trous. Il grattait le sable avec ses pattes et l’envoyait partout.
Les enfants couraient, des radios braillaient, des ballons menaçaient de tomber.
Agacée, Gertrude fouilla dans son sac et trouva ce qu’elle cherchait : sa mini-baguette magique.
Qu’elle bonne idée de l’avoir emportée !
Elle la pointa sur tout ce qui bougeait et cria : « Disparaissez ! »
Le chien, les ballons, les radios, les sous-marins, les bateaux, les crabes disparurent aussitôt. Gertrude alla s’acheter une glace au chocolat qu’elle mangea au calme. Puis, debout face à la mer, elle déclara :
« L’année prochaine, j’irai à la montagne ! »